L’archéologie de l’Anthropocène : une affaire d’artistes

Mis à part un mot clé redoutable pour la candidature de projet scientifique, l’Anthropocène est une thématique tout à la fois stimulante et déconcertante pour l’archéologue. Crucialement, l’Anthropocène n’est pas une période historique mais plutôt une ère géologique. Ainsi, l’archéologie de l’Anthropocène ne traite pas de nous, de nos artefacts et nos comportements, mais plutôt de la Terre après nous et malgré nous. De fait, cette nouvelle recherche se doit de devenir autre chose que l’archéologie de l’époque contemporaine.

L’archéologie de l’Anthropocène est une archéologie du demain, de ce qui persistera dans les sédiments, les eaux et l’air pour des siècles et des millénaires. Si les archéologues sont habituées à examiner la remontée de la géologie à l’histoire – découvertes de ressources à exploiter, ouvertures de connexion entre les continents, etc. – cette nouvelle archéologie s’intéresse plutôt à la mutation de l’histoire en géologie. Par exemple, lorsque les géologues s’appuient aux chutes radioactives de Tchernobyl pour dater leurs couches (e.g. Walling et al. 2000.), ce n’est pas pour comprendre les actions humaines, mais au contraire de incorporer leurs effets seuls dans l’histoire géologique.

Qu’est-ce alors une archéologie qui n’est plus une étude sociale, qui d’aventure humaine ne conserve que des effets et des conséquences à long terme ? Je la vois comme une géologie poétique pour laquelle l’humain devient un accident géologique. Elle nous présente une histoire déconcertante, celle des débris, des décombres et de leurs vies précaires, l’histoire où la matière l’a emporté sur l’esprit. Bref, c’est une entreprise poétique.

Voici quelques projets artistiques “géopoétiques”, qui nous proposent des inspirations pour penser l’Anthropocène archéologiquement.

1) L’Herbier de l’Anthropocène

Herbarium of the anthropocene” n’est qu’un billet de Twitter, publié depuis le compte  @LegoLostAtSea. S’intéressant initialement aux jouets Lego échoués par les marées de l’Atlantique, l’auteur (ou les auteurs) s’est lancé dans la documentation de tout type de débris plastique recraché par la mer. “L’herbier” rassemble des plantes artificielles, en plastique, qui sont curieusement abondantes parmi le débris flottant.

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2) Archéologie de l’asphalte

Le photographe Mike Mission a publié une série intéressante des objets pièges dans l’asphalte de New York (seules deux photographies subsistent au moment de rédaction de ce billet sur son compte Flickr, voir aussi le site La boîte verte ). Les objets battus, déformés et incorporés dans la surface de circulation : une belle image des vestiges qui nous survivront pour des millénaires.

3) Ruines par Josef Koudelka

Le photographe Josef Koudelka explore les ruines, les décombres, les usines désaffectées depuis des décennies. Il les interroge via l’appareil photographique, sans chercher à les analyser et comprendre.

https://www.narthex.fr/news/images-actu-2019/par450029-w.jpg/image

Bibliographie

Walling, D.E., Golosov, V.N., Panin, A.V., He, Q., 2000. Use of radio caesium to investigate erosion and sedimentation in areas with high levels of Chernobyl fallout. In: Foster, I.D.L. (Ed.), Tracers in Geomorphology. Wiley, Chichester, pp. 183–200.